Moskenes, pointe des Lofoten. Je remonte tous les équipements sur le vélo, la pluie est à nouveau attendue cette après midi.
J’ai presque accepté qu’elle m’accompagnerait jusqu’à la fin.
Les paysages sont splendides, pourtant j’ai du mal à avancer et apprécier. Je mange ce que j’ai avec moi, je repars le ventre plein.
Les paysages défilent mais mon corps est incroyablement mou. Les kilomètres sont très longs. La tête est pourtant bien là, j’essaye de me faire violence pour accélérer et essayer d’éviter la pluie annoncée en fin d’après midi.
Pause à 17h : glace, sandwichs, chips, saumon, charcuterie. Rien, toujours rien. J’ai le tonus musculaire d’une huître.
Je veux me faire violence mais je n’y arrive pas.
Accepter et expliquer cette mollesse est compliquée, je passe ma journée à essayer, pousser, plus fort mais rien. Comme cette sensation de conduire à 30km/h sur l’autoroute, sans pouvoir aller plus vite, moteur bridé.
Il pleut, ça me fait chier d’être aussi mou et de prendre la pluie une nouvelle fois. Je croise un camping, des enfants jouent sous l’eau et dans les flacs.
J’aimerais apprécier l’eau comme ils le font.
Fin de journée, la pluie finit par cesser, le vent tourne un peu. On trouve un camping où on se reposera et où je ferai sécher l’intégralité de mes vêtements.
Je pars me coucher, frustré de cette journée.
Celle de demain sera bien différente, j’ai envie de voir ce qu’il me reste dans les jambes, de pousser mon corps une nouvelle fois.
JOUR 25
Réponse à l'orgueil
J’entre ouvre la fenêtre, il pleut encore dehors. Les prévisions sont pourtant à l’amélioration, on travaille sur le site internet en attendant.
13h00, il ne pleut plus, le soleil fait même une apparition timide. Le vent est favorable, les premiers tours de roues me confirment que le corps répond à nouveau.
J’ai l’envie de me montrer ce que j’ai encore dans le moteur après 22 jours à pédaler. La journée d’hier a été longue, fastidieuse. J’attends une réaction, je me ferai violence, c’est une certitude. Il n’est pas question de passer une deuxième journée comme celle d’hier.
Un premier ferry de 30 minutes après 17 kilomètres me permettra de faire le plein de calories et de regarder le nombre de kilomètres restants jusqu’à la pointe de l’île : 155 kilomètres à partir de l’arrivée du ferry à 15:10.
Les kilomètres défilent bien, le soleil est là, les paysages sont magnifiques. Succession de ponts aux pentes effrayantes, d’îles et montagnes. Ma principale préoccupation est de manger suffisamment pour tenir la distance et ne pas avoir de coup de mou. 18h00, il me reste encore 95 kilomètres.
Après une nouvelle pause calorifique agrémentée de saumon, fromage et fraises je me remets en selle sans trop tarder.
Je rejoins le littoral, mes jambes sont de nouveaux chaudes : c’est le moment. Le coucher de soleil éclaire les falaises de plusieurs centaines de mètres de haut. Je me sens volé sur le vélo. Je ne relâcherai l’effort qu’à 8 kilomètres d’Andenes, comme pour me retourner sur ce paysage et tous les kilomètres parcourus.
650 bornes bordel, plus que 650 bornes et j’y serai. Je n’échapperai pas à la pluie et au vent de face mais ce n’est plus qu’un détail.
JOUR 26
J’ouvre les yeux. Il est 7:30 et j’avais totalement oublié que j’avais dormi dans le van d’un papi belge de 70 ans totalement bourré. Pas de temps à perdre néanmoins, le ferry part à 8:45.
On est dans la queue.
“Est-ce que vous pourriez changer de la ligne 2 à la ligne 4 s’il vous plaît ?”.
On s’exécute sans trop réfléchir. Les voitures derrière nous restent ligne 2.
Le ferry est là, les voitures rentrent : ligne 1, puis 2, puis 3. Il est bien plein le ferry. Tellement plein que les voitures initialement derrière nous ligne 2 rentrent, et nous non. Explications avec l’agent ?
Pas d’explications. Je vois ses yeux, ils sont vides. Il ne doit pas se passer grand chose là haut. Bref on a gagné la chance de revenir à 14h et on est pas sûrs d’avoir le 2eme ferry en fin de journée.
Senja se dévoile sur l’horizon. Très vite les premières montées, mais aussi ces montagnes qui se jettent à pic dans la mer au milieu des îlots entourés d’eau émeraude. Qu’est-ce que j’ai bien fait de pas écouter ces français me disant qu’elle ne valait pas le détour. Kilometre 80, c’est déjà l’heure de lui dire au revoir.
On serait bien restés plus longtemps sous ce soleil (inhabituel). On garde en tête l’objectif de ce soir, Tromso. Les voitures partent du ferry, je suis le dernier à sortir.
Je serai donc seul pendant plus de 20 kilomètres à contempler ces montagnes rosées par le coucher de soleil. L’atmosphère est unique, le lieu aussi. Je ralentis cette avancée qui a été la mienne depuis 23 jours, comme pour figer le temps avec mes pédales.
Leïla nous attend à Tromso mais avant ça, je croiserai surtout 2 rennes au bord de l’eau, comme pour me rappeler que je suis bien à 3500 kilomètres de la maison.
Je n’ai presque plus de doute, je serai au Cap Nord dans moins de 5 jours. Ce n’est pas encore fini, mais je n’ai jamais été aussi proche.
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